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le blog poilagratter

Les limites de l’agriculture biologique

10 Septembre 2007 , Rédigé par momo Publié dans #Reportage


Les limites de l’agriculture biologique

 

 

Après notre 1er grand reportage : la mer monte : http://poilagratter.over-blog.net/article-6194128.html, voici le 2ème.

 

 

Ce récit est le fruit d’une expérience qui n’a pas la prétention de se vouloir scientifique et qui s’est déroulé d’avril à juillet de cette année.

 

Disposant d’un petit jardin et ayant un jeune cerisier dont les 1ers  fruits ne sont pas encore consommables, je décidais en ce chaud mois d’avril de tester le « biologique » sur cet unique et modeste arbrisseau.

 

le jeune cerisier

 

1ère semaine :

 

Ce n’est que fin avril que commença à apparaître les 1ers insectes, des pucerons, qui commencèrent à s’agglutiner aux extrémités des branches sur les plus jeunes feuilles et pousses. Que faire ? Un coup d’insecticide aurait immédiatement réglé le problème, mais je me devais de respecter la règle d’éthique que je m’étais fixée pour cet arbre et à réfléchir à des solutions « biologiques ». Le prédateur naturel du puceron est, c’est bien connu, la coccinelle, mais il est encore tôt dans la saison et je n’en vois aucune à l’horizon.

 

les colonies de pucerons

 

2ème semaine :

 

Par chance, j’ai un carré de muguet (qui fourni le 1er mai 200 €, quasi uniquement l’essentiel des ressources du mouvement pour l’heure). C’est là, sur cette « piste d’atterrissage » que j’aperçois mes 1ères cox. Il ne me reste plus qu’à les prélevées délicatement et à les installées sur le cerisier. Gambade également partout dans le jardin leurs larves aptères. Même opération. Tout semble bien se passer et il n’y a plus qu’à attendre de voir la population de pucerons diminuer. Jusqu'à présent la théorie des écolos biologistes se vérifie.

 

le carré de muguet

 

3ème semaine :

 

Un gros problème vient d’apparaître. Une espèce de fourmis, vite identifiée comme des lasius alienis (brunes) grimpent à l’arbre, chassent les cox qui peuvent prendre la fuite en s’envolant mais les larves, aptères, sont massacrées. Les pucerons sont parqués par les fourmis et protégées. Le miellat que produisent les pucerons, excrétion sucrée du suc de la plante qu’ils parasitent, est très recherché par les fourmis, notamment pour nourrir les larves des futures fourmis sexuées et ailées, mâles et futures reines. Alienis tient son nom de son mode de vie, installant son nid dans les anfractuosités des habitations, des vieilles pierres.

En remontant la piste qu’elles empruntent, je localise effectivement leur provenance dans ma cabane de jardin en briques.

Que faire ? Pas question d’utiliser de l’insecticide pour les éliminer, ce serait une infraction au protocole « bio ». Des casseroles d’eau bouillante déversées sur la piste feront l’affaire. L’opération semble donner des résultats, leur trafic est interrompu.

Mais le lendemain, tout est à recommencer, la piste est rétablie. Nouveau bombardement d’eau bouillante sur la piste ainsi que sur les endroits possibles où se trouve le nid (les voisins qui observent mon manège avec mes casseroles fumantes doivent se poser des questions sur mon intégrité mentale).

La piste est à nouveau interrompue, mais comme je m’en doutais un peu a été réouverte pendant la nuit

 

une cox au travail

 

4ème semaine de guerre :

 

Il va falloir trouver une solution, car cette guerre d’usure n’aboutit à rien face à l’entêtement d’Alienis malgré les pertes très lourdes que je lui inflige. Je vais quand même pas démolir ma cabane de jardin pour trouver où elles ont planqué leur foutu nid.

1ère infraction au protocole « bio » : j’achète un produit chimique censé les empoisonner, un produit mielleux à base d’arsenic qu’elles sont censées, selon le fabriquant, absorber et ramener au nid et par le processus de régurgitation qui est le leur pour nourrir leurs sœurs restées au nid, empoisonner toute la colonie. Mais comme je l’avais lu étant petit dans les ouvrages de Maurice Maeterlinck, le grand maître mymécologue belge, les fourmis font rarement ce que l’on attend d’elles. Ça marche parfois et souvent pas sans que l’on sache jamais pourquoi. Là, ça marche pas, malgré de nombreux essais, le produit ne les intéresse pas ; elles le gouttent et s’en détourne aussitôt. La raison probable est que les humains qui achètent ce produit s’en servent évidemment surtout sur Alienis puisque c’est cette espèce qui est la plus gênante pour l’homme en squattant ses habitations. Depuis le temps que ce produit existe, il est possible qu’elles le connaissent et l’évitent.

 

5ème semaine de guerre :

 

Je me suis trompé dans la localisation possible du nid d’Alienis. Elles ne viennent pas de l’intérieur du mur de ma cabane de jardin, mais de beaucoup plus loin, passent sur le toit, ou plus exactement entre le toit et la charpente (raison pour laquelle je ne les avais pas vu)… et descendent tout bêtement le long de l’échelle (comme quoi, y’a pas que les hommes et les chats qui savent s’en servir), un chemin plus court qu’elles ont du trouver récemment car je ne les y avaient pas vues précédemment. Solution simple, je change l’échelle de place. Mais je m’attends à les voir descendre le mur tout aussi simplement, ou reprendre l’ancien chemin qu’elles empruntaient et que je ne connaissais que partiellement. Mais je ne vois rien. Bizarre !

2 jours plus tard, les voilà qui remontent à l’assaut du cerisier. Je remonte la piste et découvre qu’elles ont trouvé une 3ème solution plus longue et plus compliquée : en suivant la charpente, elles ont abouti à un des piliers de la cabane et c’est par là qu’elles ont trouvé un passage vers le jardin. Leur logique est différente de la nôtre, mais en final le résultat est le même.

 

6ème semaine de guerre :

 

J’observe dans les environs du cerisier quelques patrouilleuses lasius niger (noires) en vadrouille. C’est la même espèce, mais pas la même race. Le mode de vie est différent aussi, le nid est installé en terre ou sous des pierres, mais toujours en terre. Elle semble provenir de chez mon voisin dont le muret est proche du cerisier. Il me vient l’idée de couper la piste Alienis en suscitant une piste niger perpendiculaire. Il faut faire vite, car sur le cerisier la situation dégénère et la population de pucerons devient exponentielle, les feuilles se recourbent et brunissent, signe que les pucerons sont en train d’introduire des maladies.

Utilisant des gouttes de miel reportées progressivement toujours plus loin, centimètres par centimètres, je parviens progressivement à amener la route niger à couper la route alienis.

Mais c’est un échec, elles se croisent, se dévisagent parfois méchamment, se testent par contact antennal, mais n’entre pas en conflit. Je dois reprendre mes bombardements B52 d’eau bouillante sur la piste Hô Chi Minh.

 

une larve de cox au milieu du troupeau de pucerons

 

7ème semaine de guerre :

 

Je modifie ma tactique et oriente, toujours avec des gouttes de miel, niger vers le pied de l’arbre, unique accès aux pucerons pour alienis. Et là c’est la victoire, les noires sont plus menues que les brunes mais elles sont considérablement plus nombreuses, le nid étant plus proche. Le final est obtenu toujours par du miel au pied de l’arbre et l’agglutinement de noires rend enfin le passage impossible aux brunes qui renoncent et vont explorer d’autres contrées de mon jardin. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, mes pieds de myosotis échangent leurs fleurs pour des graines et ces dernières semblent produire une substance qui attire irrésistiblement les cox. Privées de friandises ! Y a du boulot ailleurs et j’ai désormais une vingtaine de cox sur le cerisier. Par contre les larves ont disparues, rentrées en nymphose pour donner de futurs adultes. La population de pucerons semblent cependant stabilisée.

 

un pied de myosotis

 

 

8ème semaine de guerre :

 

J’ai crié victoire trop vite. Je suis parti du postulat que les noires ne grimpent pas aux arbres (j’ai aussi un pommier dans mon jardin, un nid de niger s’est installé non loin depuis plusieurs années. Jamais je ne les y ai vu grimper dessus). Rien n’est plus faux, c’est maintenant une noria encore plus importante que celle des brunes qui part à l’assaut du cerisier. On n’en finira jamais !

 De plus elles semblent venir de partout et pas seulement de chez mon voisin. Je ne tarde pas à en connaître la raison. Durant les dernières nuits, il y a eu ce que les myrmécologues appellent le « transit ». C'est-à-dire qu’elles ont déménager leur nid pendant la nuit pour l’installer dans un endroit plus favorable. Je le découvre sous la dalle de l’allée près du cerisier. Là je tiens enfin ma victoire, le nid est accessible et les casseroles de B52 éliminent le problème en quelques minutes. Je suis un criminel de guerre. Tout y passe, même les larves ! Carla del Ponte, je t’emmerde !

 

9ème semaine de guerre

 

J’ai encore crié victoire trop vite. Le nid du voisin est toujours actif et la noria a reprit pendant la nuit. Les B52 bombardent la piste qui passe par-dessus le muret du voisin. On va enfin en finir, bordel !

Nouveau problème, il devient risquer d’importer de nouvelles cox. De gros bourdons, eux aussi des hyménoptères comme les fourmis, apprécient évidemment la même nourriture que les fourmis, et ont décidés de venir, de plus en plus nombreux, s’approvisionner en miellat. C’est avec 3 clopes allumées au bec pour que la fumée les fassent fuir, que j’introduit mes nouvelles cox prélevées sur le myosotis (là, les voisins doivent se dirent que je dois vraiment avoir une araignée au plafond). Bien que ces frelons tournent méchamment autour de moi, ils n’attaquent pas.

Tout est à refaire, ces damnées de noires passent maintenant sous le muret du voisin par des tunnels creusés pendant la nuit. C’est le Vietnam ! Je vais quand même pas aller voir mon voisin pour creuser des trous dans son jardin et y verser des casseroles d’eaux bouillantes. Je suis bon pour l’asile !

 

le muret du voisin

 

10ème semaine de guerre :

 

Les F4 (chasseurs tactiques), autrement dit des casseroles d’eau bouillante de plus petites tailles, interviennent alors pour bombarder la sortie du tunnel.

Rien à faire, le lendemain matin elles débouchent d’un nouveau tunnel un peu plus loin.

Re-F4 !

Le lendemain matin, la sortie du tunnel est au même endroit qu’avant-hier. Elles vont me faire tourner en bourrique !

Re-F4 ! Ça finira jamais ! Quel est l’abruti qui a parlé d’agriculture « bio » ?

J’ai une nouvelle idée : capturer et installer au pied de l’arbre des lasius flavus (jaunes). Celles-là, je sais qu’elles ne grimpent pas aux arbres. Elles vivent dans des sols sablonneux (d’où leur couleur) et c’est le cas de mon jardin.  J’en trouve dans un champ près de chez moi, creuse un petit trou près du pied de l’arbre et les y installe.

Paniquées, elles courent dans tous les sens en attendant de trouver leurs repères et attaquent toutes les étrangères qu’elles rencontrent. Leur nombre fait qu’elles obtiennent facilement le dessus et niger prend la fuite.

 

 

11ème semaine de guerre :

 

Flavus à trouvé ses repères, mais ce n’est pas ce que j’espèrais. Contrairement à alienis avec laquelle niger ne s’entend pas, ce n’est pas le cas avec flavus. Les combats d’hier dus à mon intervention ont fait place à une entente pour ne pas dire une alliance. Comme on l’a vu flavus ne monte pas aux arbres, mais flavus a aussi besoin du miellat comme les autres lasius. Flavus qui exploite préférentiellement les richesses du sous-sol a du y trouver des ressources à échanger avec le miellat des pucerons de niger. C’est manifestement la parfaite entente entre les 2 races et niger reprend sa noria dans l’arbre et au retour, certaines ravitaillent flavus en miellat.

A nouveau, je dois recourir aux B52. Elles doivent payer leur trahison.

 

J’ai encore une idée, après tout, au point où nous en sommes, rien ne coûte d’essayer. En passant dans une allée près de chez moi, j’ai repéré des fourmilions (ou fourmi-lion). C’est un prédateur des fourmis dont la larve s’enfonce dans le sol et crée des entonnoirs dans lesquels tombent les fourmis. J’en capture quelques-unes et les installent le long du muret de mon voisin. Maintenant, y a plus qu’à attendre et voir.

 

12ème semaine de guerre :

 

le barrage de fourmilions

 

C’est là-aussi un échec, les entonnoirs de la ligne Maginot de fourmilions sont trop dispersés et niger passent entre-eux. J’évacue ailleurs les fourmilions et B52 et F4 repassent à l’attaque de manière systématique cette fois, matin, soir et aussi en journée le week-end, la nuit parfois aussi. Les conneries « bio », ça commence à bien faire. Il faut savoir que la Nature reprend toujours ses droits, mais pas toujours, loin s’en faut, dans ce que l’on en attend. On voit pas ça dans ces … de documentaires à la télé.

Cette fois-ci, il semble que niger ait renoncé, elles ont disparu. Peut-être ai-je touché le nid en jetant quelques chargements chez mon voisin au risque de provoquer un incident diplomatique avec un pays neutre ? Cependant, sur l’arbre, outre les frelons, toujours menaçant, la situation semble s’améliorer. Les cox ont aussi fait crac-crac sur l’arbre et j’observe l’apparition de dizaines de larves de cox.

 

13ème semaine de guerre :

 

Au lendemain d’un violent orage, c’est la déception la plus totale, c’est Alienis qui a réinvestit le cerisier pendant la nuit. Je veux le crétin qui a parlé d’agriculture « bio » dans mon bureau demain à 9 h tapante.

En désespoir de cause, je commets ma 2ème infraction au protocole « bio », je répands une poudre chimique anti-fourmi en cercle autour du pied de l’arbre. On va en finir quand même, ça commence à bien faire.

 

le barrage chimique

 

 

L’intervention du chimique semble produire ses effets, les brunes, pas plus que les noires si elles reviennent, ne pourront accéder aux pucerons. Les jaunes ont disparues.

Quand on pense au gaz dépensé à chauffer de l’eau (et au CO2 ainsi rejeté), au fait que j’aurais pu régler le problème dès la 1ère semaine avec une projection d’insecticide qui serait aujourd’hui depuis longtemps biodégradée…

 

14ème semaine de guerre :

 

Décidemment la capacité d’adaptation de ces petites bêtes dépasse l’entendement, une branche du cerisier est en contact avec les cyprès du voisin. Et bien je vous le donne en mille, c’est le retour de niger qui passe par la voie des airs. Quid de la poudre autour du pied de l’arbre.

2 solutions possibles :

1.      couper la branche du cerisier en question

2.      retirer la poudre et laisser alienis accéder à l’arbre pour provoquer une guerre entre les 2 races.

 

J’en choisi finalement une 3ème. Y’en a marre, j’abandonne ! Je retire le maximum de cox (et leurs larves) possibles (gare aux bourdons), les installent sur mes rosiers, et je fais ce que j’aurais du faire depuis le début.

.

Vive le chimique ! Quand on pense qu’il ne s’agissait que d’un unique arbrisseau (aujourd’hui à l’état de ruine, avec près de la moitié de ces feuilles dans un bien triste état), imaginez pour un champ d’arbres tout entier.

De toutes façons les cox semblaient saturées de se nourrir de pucerons et de plus en plus nombreuses s’envolaient et quittaient le cerisier. Même lorsque je les y ramenais, c’était pour en repartir aussitôt. Leur population diminuait de plus en plus ces derniers temps et, inversement proportionnel, celle des pucerons atteignait des niveaux paroxysmiques.

Il était temps de sortir de l’impasse du « bio ».

En outre, à quoi bon poursuivre l’expérience ? L’éventuelle récolte (rappelons que mon cerisier est encore trop jeune pour donner des fruits consommables) de cerises est terminée depuis longtemps en cette fin juillet et la poursuite de la guerre n’a plus de raison d’être. De toutes façons, elles auraient encore trouvé quelque chose pour accéder aux pucerons et repousser les cox et massacrer leurs larves : un tunnel sous la poudre, un pont de feuilles et de brindilles pour passer par-dessus ; allez savoir avec ces infra-terrestres. Il est fort possible qu’une intelligence ET dans l’espace existe, mais sous nos pieds nos amis écolos ont manifestement oublié l’existence de l’intelligence IT, et je vous assure chers lecteurs, qu’elle existe bel et bien. Je l’ai rencontré ! (et c’est pour cela que Raël (et d’autres) me fait bien rigoler car il ne sera probablement pas plus possible d’établir des relations diplomatiques avec ET, que ce n’est possible avec IT ; surtout lorsque l’on observe qu’entres humains déjà, les diplomates ne sont efficaces que si l’on dispose d’une bonne armée)

Espérons que l’année prochaine, le système immunitaire du cerisier aura éliminé les maladies, mais c’est juré, dès l’apparition des 1ers pucerons, ce sera le chimique.

 

15ème semaine : la Paix (enfin !)

 

Il aura fallu moins d’une semaine pour que les feuilles du cerisier encore vertes reprennent leur aspect normal encore couvertes des cadavres des pucerons désormais délaissés par fourmis et frelons.

 

Le plus drôle dans l’histoire, c’est que cette expérience devait servir de support à un article pro-« bio », mais dame Nature (et IT) en a décidé autrement.

 

Quelles conclusions en tirer ? Il faut en finir avec les « intégristes » de l’Ecologie. L’autre jour, je sortais en randonnée avec un groupe d’entre-eux. Ayant envie de pisser, je me soulageais contre un arbre… et me fit engueuler par l’un d’eux : « C’est pas bon pour les arbres » me dit-il. « Et les renards, sangliers, cerfs, écureuils, etc…, ils pissent pas contre les arbres, eux ? Ducon ! » lui répondis-je vertement (si j’ose dire : répondre vertement à un Vert, Ouaf !).

Il y a un équilibre à trouver entre le chimique et le « bio ». Ce ne peut pas être manifestement 100 % que l’un, les ravages du chimique ne sont plus à démontrer ; mais ce ne peut pas être non plus 100 % que l’autre, mon expérience « poil à gratter » le démontre aussi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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