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le blog poilagratter

Neandertal (3)

18 Mai 2009 , Rédigé par momo Publié dans #Histoire

5ème ESE (été sans épilation) : pré-campagne (13)

Darwin (6)

Neandertal (3)
Les poils de Neandertal et l'air du temps

Il y a une trentaine d'années, rappelle Robert N. Proctor, de l'université de Pennsylvanie, on accordait aux ancêtres de l'homme des qualités quasi humaines. Lucy - une australopithécidée de plus de trois millions d'années - était, disait-on, une « femme » et non une « femelle ». Aujourd'hui, cette description est couramment combattue par une autre, qui voit les hominidés anciens habillés en singes, et juge douteuse l'humanité des prédécesseurs directs d'Homo sapiens. Pourquoi un tel changement de regard ?

En matière d'évolution, la limite entre l'animal et l'homme n'est pas évidente. Pendant longtemps, la présence d'outillage a été considérée comme un signe d'intelligence supérieure. Mais la découverte, à partir des années 60, de cultures techniques chez les chimpanzés a un peu brouillé les frontières. Par ailleurs, dans les années 70 et suivantes, des découvertes d'hominidés anciens et de multiples formes d'Homo pré-sapiens en Afrique et au Proche-Orient ont compliqué la filiation du genre humain. L'évolution de l'animal à l'homme devenait « buissonnante ». Or, cette perspective brouillait la vision solidement ancrée d'une progression linéaire allant de l'australopithèque à l'homme moderne. Elle pouvait porter atteinte à la conception unitaire et antiracialiste de l'espèce humaine adoptée par la communauté scientifique depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce même motif, dans un premier temps, avait amené les paléontologues à humaniser les hominidés : on réduisit le système pileux des néandertaliens parce que, dans le doute, il était injuste de les rejeter du côté des brutes animales ainsi qu'on l'avait fait au début du siècle. Puis, à mesure que s'imposait l'hypothèse buissonnante, une contrariété apparut : fallait-il admettre que différentes lignées humaines éteintes avaient cohabité et peut-être s'étaient combattues ?

L'image était fâcheuse. L'opinion scientifique commença à mettre en doute l'humanité des pré-sapiens. Pour bien faire, selon certains, il faudrait aujourd'hui rendre au néandertalien sa toison et sa manie de flairer les inconnus. La « révolution du paléolithique supérieur » - celle des peintures rupestres - est donc devenue le point de départ le plus assuré de l'humanité. Mais bien tardif.

Ce rajeunissement de l'homme résulterait donc, selon R. N. Proctor, de la rencontre de faits empiriques avec des raisons morales moins démontrables. Ce n'est pas le seul exemple : la thèse de la « sortie d'Afrique » doit son succès aux arguments de la biologie moléculaire, mais aussi, semble-t-il, à son parfum antiraciste. Pourtant, souligne R. N. Proctor, elle pourrait aussi bien être prise dans un autre sens. Il suffirait de se représenter Homo sapiens au seuil de l'Europe et s'exclamant : « Ouf, enfin sorti d'Afrique ! » Bref, pour R. N. Proctor, l'histoire des sciences est mue par un mélange confus d'idées générales et d'arguments factuels. Ce serait particulièrement évident à propos de l'humanisation. Mais faut-il s'en étonner ? La notion même d'humanité, écrit-il, « a été inventée dans le but de nous démarquer du reste de la création et entretient plus de rapports avec le mythe qu'avec les faits empiriquement vérifiables ».


REFERENCES

R. N. Proctor, « Three rots of humant regency: Molecular anthropology, the refigured acheulean and the Unesco response to Auschwitz », Current Anthropology, vol.
XLIV, n° 2, avril 2003.

 

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T
Mais oui, ces scientifiques sont influencés par l'air du temps et les idées contemporaines à leurs recherches pour livrer leurs conclusions... comment croire à ce qu'ils déduisent de leurs études alors?:0025:
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M
<br /> Non, c'est plutôt le contraire. Mon intuition a précédé leurs découvertes qui semblent confirmer mes intuitions.<br /> Par contre, il est un fait que l'octroi des crédits se fait par des politiques... et par conséquent sont orientées vers des résultats "souhaités" par ces politiques.<br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> <br />